Entre nos mains l’ouvrage reste sur le métier

Depuis l’enfance nous tissons. Nous tissons des liens et des relations de manière consciente et parfois aussi de façon involontaire.

Petit lexique : Le métier à tisser est une machine qui sert à fabriquer une pièce de tissu. Les fils de chaîne sont les fils de base fixés à l’horizontale et qui ne bougent pas. Les fils de trame sont les bobines de coton, de laine ou de soie qui, grâce aux mouvements de la navette mobile, viennent s’entrecroiser sur les fils de chaîne pour composer la surface tissée.

Nous pouvons appliquer cette notion de tissage à toutes nos vies qui, telle une pièce de tissu toujours en création, toujours sur le métier, parle de nous. Dans nos vies s’entremêlent de façon continuelle les fils de chaîne (nos héritages) avec les fils de trame (nos apprentissages et nos expériences) .
Ce sont les mouvements de la navette manipulée par nos soins, par nos mains et tout notre corps, qui donneront toute la souplesse ou la fermeté au tissu. Les bobines de fils se vident doucement alors que le tissu se forme par ailleurs sous nos yeux. Ces éléments épars qui s’enchevêtrent grâce à notre désir de réaliser une œuvre, prennent forme et deviennent vivants.

Mais les fils de trame peuvent aussi rompre ou bien être fragilisés ou blessés. Ou simplement l’inspiration vient à manquer, alors le désir de tisser peut s’évanouir… Nos gestes deviennent hésitants, maladroits, notre corps inquiet ou même malade. Nos mouvements ralentissent, parfois s’immobilisent pour laisser des vides, des transparences dans l’ouvrage. Acceptons ces imperfections et ces blancs. Ils ne sont pas laids, bien au contraire, ils rendent l’ouvrage encore plus vivant et unique. Ces respirations dans la trame sont des ouvertures pour accueillir la lumière.

Et lorsque nous aurons repris des forces, nous pourrons faire des nœuds pour resouder les fils rompus, ou changer de bobines afin de poursuivre notre œuvre et notre histoire. Les nœuds sont le signe que nous avons vécu quelque chose de fort, quelque chose de profond, jusqu’à la cassure. Nous ne pouvions éviter de vivre cela et la force qui nous anime maintenant vient de là.

Nous sommes bien les artisans, les tisserands de nos existences.
Toujours nous remettons l’ouvrage sur le métier à tisser.
Nous tissons nos rêves. Nous tissons nos liens avec les autres.
Attrapons nos rêves avec les fils de notre imagination. Ils sont infinis et notre propriété.

C’est une belle œuvre d’art. Notre œuvre d’art. Unique.

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